dimanche 2 mars 2014

La toilette .... la coiffure

Article issu du périodique la "Gallerie des modes" XIIe cahier, 6e suite, 1e figure (1778)



Les moments consacrés à la toilette, sont regardés comme des moments de désœuvrement. C'est ordinairement le temps que les Dames choisissent pour jeter un coup d’œil rapide sur ces brochures passagères, enfants du loisir, du caprice, ou du besoin.
La mode de remplir, par des lectures, les entractes ou intervalles de la toilette, s'introduisit d'abord chez les Dames de qualité. Elle acquit même très rapidement une faveur excessive. Les Colporteurs, ou Libraires à manteau devinrent des hommes utiles, & les brochures les plus superficielles, purent se vanter de jouir au moins de quelques minutes d'existence. 

Tout-à-coup cette mode éprouva une révolution assez singulière : les ouvrages frivoles furent mis à l'écart. Une jolie femme aurait cru faire tort à ses charmes, si elle n'avait pas lu quelque traité sur les sciences & les arts; la Physique, sur-tout, la Chimie & l'Histoire naturelle eurent la plus grande vogue. A cette mode du bel esprit succéda la mode raisonneuse : on ne parlait que de morale, que de métaphysique. La pauvre raison humaine se vit traduire au Tribunal du beau sexe, & le flambeau philosophique éclaira la toilette des Dames. Sa lumière monotone était peu propre à faire briller les grâces; on prétendit même que dans les mains du dix-huitième siècle, ce flambeau n'était qu'un phosphore dangereux. Il se perpétua chez quelques prudes; mais chez les autres femmes, le Dieu de la légèreté, avec un des grelots de la Folie, se fit un plaisir de l'étreindre. Depuis cette époque, les feuilles périodiques ont partagé, avec les brochures d'agrément, les moments perdus de la toilette des Dames.

Les petites-maîtresses bourgeoises, grandes imitatrices, se sont avisées d'adopter la mode des brochures à toilette. Cette mode est même devenue si générale, si universelle, qu'une femme, ne sait-elle pas lire, doit toujours avoir sa toilette garnie de brochures, sauf à faire faire la lecture par les adorateurs ou les complaisants qui peuvent survenir.

Ce ne serait peut-être pas trop s'éloigner de la vérité, que de ranger dans cette dernière classe, la bourgeoise que représente cette Gravure. A l'indifférence qu'elle affiche, ou le livre qu'elle tient n'est entre ses mains que pour la forme, ou ce qu'il renferme n'inspire que l'ennui, que le sommeil.

Quoi qu'il en soit, cette petite bourgeoise paraît avoir assez de coquetterie pour se servir d'un peignoir à coulisse, qu'elle relève sur les bras, en forme de pelisse, ou mantelet à flammes évasées; sa jupe, aussi relevée avec art, est d'étoffe unie, avec un volant à simple tête & à plis ronds. Sa coiffure est un peigné en racine droite, la pointe recourbée, avec quatre boucles de chaque côté.

Quant au coiffeur, il est représenté dans le costume de son état. Toupet en grecque perdue, deux boucles sur le doigt, la queue en catogan; le reste de l’accoutrement, se devine aisément.
Il tient une houppe de cygne, remplie de poudre rousse, qu'il secoue sur la t^te de cette petite maîtresse bourgeoise; afin que, de brune que l'a faite la nature, elle paraisse à l'unisson des blondes, conformément au costume reçu

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